• Journaliste, cynique profession...

    C'était un début de soirée catastrophique. Non seulement il pleuvait des cordes et j'étais censé camper la nuit même, mais en plus je m'étais sérieusement ennuyé ferme pendant tout le match. Sans objectif, l'Entente s'était complètement relâchée et avait offert une des plus piètre prestation de la saison...

    Match si ennuyeux et peu important que Jérémie, le journaliste de la Gazette était parti avant même le coup de sifflet final. Bertrand, le journaliste du "Parisien" n'avait pas pris la peine de descendre recueillir les réactions d'après-match. Nous n'étions plus que Le Moal (Val d'Oise TV), un journaliste de Louhans, et moi.

    Laurent Croci, le coach de l'Entente, a d'abord et comme à l'accoutumée répondu aux questions de Le Moal. Une pique à l'adresse de ses joueurs («une équipe sans caractère quand il y'avait encore un objectif, alors là vous pouvez imaginer...»), mais rien d'exceptionnel, comme d'habitude avec lui d'ailleurs... Une fois la caméra coupée, comme d'habitude également, à Croci de se tourner vers nous, presse écrite, en attendant d'autres questions. Je laissais mon "confrère" le questionner, n'ayant pas de question particulière à poser, et surtout ne comptant pas faire un long résumé. Bref, je me contrefichais de ce qu'il était en train de raconter, j'attendais simplement qu'il me passe son numéro de téléphone pour une interview ultérieure...

    Après avoir répondu aux questions de l'autre journaliste et m'avoir donné son numéro, je pensais qu'il allait rentrer aux vestiaires. Mais il m'a fixé, comme attendant une autre question, chose étonnante vu son habitude à fuir les médias. Je lui ai dis que je n'avais plus de question. Il m'a alors dit qu'il souhaitait faire passer un message aux supporters. Le silence s'est d'un coup fait dans le couloir.

    « Je sais que les supporters réclament ma démission. Mais qu'ils ne se trompent pas de cible, je n'ai fait que reprendre une équipe composée par des gens qui étaient en place avant moi. Ce n'est pas "mon" équipe. Mon équipe aura du caractère, elle. Ce n'est pas mon équipe. Qu'on ne se trompe pas de cible. »

    Après avoir dit ça, il est brusquement retourné vers les vestiaires. Un grand silence, pesant. Je sentais le regard de Le Moal, sans doute énervé d'avoir coupé sa caméra et loupé cette importante déclaration. L'autre journaliste me fixait, visiblement étonné de la confiance qu'avait accordé Croci à un si jeune reporter. Les vigiles et Bruno, le responsable des relations presse, me regardaient, interloqués par ce qui venait d'être dit. C'est Kévin, le photographe du club, qui a rompu le silence, en regardant mes notes et disant que je n'allais pas publier ça. Je lui ai répondu que, puisque Croci voulait faire passer le message, je ne voyais pas pourquoi je pouvais le censurer. Mais Croci savait-il qu'en prononçant ces mots, il se tirait une balle dans le pied?

    La réaction des supporters a été immédiate, violente. D'abord sur le forum, puis au stade avec la politique de la chaise vide et des banderoles "Croci dégage!". Plus tôt dans la semaine, Le Parisien s'est emparé de l'affaire, reprenant les propos de Croci (sans citer la source..), et alimentant ainsi la polémique. C'est ainsi que samedi, juste avant le match contre Cherbourg, on apprenait que Croci quitterai le club à la fin de la saison, n'étant pas prolongé dans son contrat.

     

    Ce pourrait être une fierté, mais j'ai mauvaise conscience. Le détonateur du clash entre le club et l'entraîneur, inévitable, est arrivé plus tôt que prévu et par mon intermédiaire. N'ai-je été qu'un innocent relais dans ses propos, ou ai-je participé - en le sachant - au licenciement de cet homme? Car j'ai fini par l'apprécier, et que je sais qu'il pointera au chômage dans moins d'un mois. On ne peut souhaiter le chômage à personne, surtout pas à quelqu'un qui vous a fait découvrir Bordeaux et son stade de L1.

    Je le savais, mais pour la première fois de ma vie, j'ai vécu la réalité du journalisme. Par le poids des mots, c'est la presse qui fait et défait à sa guise. Etre journaliste, c'est gagner sa vie au dépend de celle des autres...


  • Commentaires

    1
    Th95
    Jeudi 2 Novembre 2006 à 15:23
    Oui, MAIS
    Tout ce que tu as dit est vrai, MAIS cet homme n'a pas tardé à retrouver un poste (Croix de Savoie). Tu n'es donc responsable de rien puisqu'il allait partir à 99% de chance. De toute façon, tu n'as fait que répéter ce qu'il t'a dit et faire passer le message comme il te l'a demandé. A partir de là... Tchô ! Et vive Julioo !!!
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